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Atrocités et humiliations israéliennes
Naplouse l’insoumise

J’ai aimé Naplouse comme on peut aimer tout ce que la cruauté des hommes blesse. Depuis les hauteurs d’où on la regarde, on ne se lasse pas de l’admirer et on se dit que, telle qu’elle se donne à voir, étirée sur ses flancs dorés, entourée des collines qui se fondent dans l’azur, si l’occupant israélien disparaissait, on y vivrait en paix.

25 avril 2003 | - : Israël Palestine


Naplouse (Collection at Jafet Library)

Naplouse ne connaît aucun répit. Les soldats peuvent la frapper à tout instant. Ils épient ses moindres mouvements, ils brutalisent ses enfants, ils l’arrachent quotidiennement à sa volonté de vivre heureuse à l’intérieur de ses antiques murailles.

On ne les voit pas mais on sait qu’ils sont nombreux sur les sommets où les colons juifs s’installent. Combien sont-ils ? C’est un mystère.

Les Palestiniens sont eux enfermés comme des rats. J’exprime mon étonnement. N’ont-ils pas droit à vivre une vie normale sur leur terre ?! « What can we do ? ». Ils sont sans haine, confiant car habités par la pensée que justice leur sera rendue.

Naplouse résiste.

Marcher dans la rue, ouvrir son échoppe, c’est la façon qu’ont ses habitants de s’ouvrir au nouveau jour. Vivre, respirer, c’est résister.

Il y a, fondu en son sein, ceux qui collaborent avec l’occupant. Celui-ci achète les faibles ; il fait d’eux des salauds, des traîtres. C’est un fardeau qui s’ajoute à tout le reste. La vie est dure ici, très dure. Les jeunes n’ont aucun avenir. Voudraient-ils y échapper à cet enfement pesant, qu’ils ne peuvent pas.

Il y a les « fighters ». Ce sont des jeunes gens qui ont fait des études, qui ont connu les brutalités des soldats depuis leur plus tendre enfance, qui ont été emprisonnés en Israël pour avoir lancé des pierres, qui sont au chômage. Ils ont une arme. Ils ne peuvent que se morfondre dans ce mouroir.

Ils sont comme tous les jeunes du monde ; Ils portent des "jeans", ils ont les cheveux coupés court, gominés, et des rêves d’amour et de fulgurance. Des jeunes à qui Israël a volé l’enfance et massacre maintenant leur présent. Ils sont grands, très grands, beaux, très timides ; tout comme les jeunes filles. Ils résistent en ne se compromettant pas avec l’occupant. Et, pour cela ils sont perpétuellement traqués, maltraités, inscrits sur la liste par l’occupant des « wanteds ».

Les maisons paraissent inhabitées. Les gens se barricadent. On ne voit personne aux balcons ni aux fenêtres.

Dès que la nuit tombe, les rues se vident instantanément.

Impossible d’avoir une nuit où l’on dort d’une traite. La nuit plus intensément que le jour, les jeeps et les chars courent le long des ruelles ; les soldats patrouillent, entrent dans la vieille ville, ratissent.

On reste suspendus aux bruits ; on essaye de comprendre de quel côté vont les tirs et dans quelle direction se dirigent les véhicules dont on entend les moteurs. L’absence de voix humaines surprend et ajoute à l’angoisse.

Seuls les animaux se manifestent. Le jour, on ne les voit ni ne les entend ; mais la nuit on découvre subitement l’existence d’une ménagerie : coqs, chats, mulets.

A deux heures, nous sommes réveillés en sursaut. Des avions faisaient des cercles au dessus de la ville et des chars ont encerclé notre pâté de maisons.

Il est clair que la terreur que fait régner l’armée israélienne a pour but d’empêcher toute velléité de résister. Tuer des jeunes est la clé de la stratégie militaire basée sur la terreur et l’asphyxie.

Quand les mères sont terrorisées à la pensée que l’on vienne leur arracher un troisième enfant, ou leur époux, quand les pères vivent dans l’angoisse de ne pas pouvoir assurer la survie de leur famille, quand les jeunes sont dévastés par des stress traumatique, il devient difficile de résister de façon organisée.

Tuer des Palestiniens, les humilier, leur briser les os et le moral, leur voler les quelques shekels qu’ils possèdent, les emprisonner, c’est chose courante pour ces soldats israéliens qui ont grandi dans la haine de l’Arabe. Mais cela les met parfois dans un certain embarras quand alors qu’ils enfoncent les portes et brutalisent les enfants ils se voient pris en flagrant délit, par des témoins internationaux.

Depuis quelques semaines les soldats ont reçu l’ordre de viser les pacifistes internationaux à la tête, c’est-à-dire ordre de les tuer [1]. Le jour où ces volontaires qui payent de leur poche et parfois de leur vie, ne pourront plus venir librement, il n’y aura plus de preuves des exactions israéliennes.

Le jour commence à Naplouse, comme la nuit finit : dans la plus grande désolation.

Les marchands installent leur étal tôt le matin. Les femmes vaquent à leurs occupations. A neuf heures, on entend des explosions. On sursaute. On apprendra que l’armée est revenue à l’intérieur de la ville historique, qu’il y a eu des morts, des blessés.

Nous apprenons qu’un enfant du camp de réfugies de Balata, vient de se faire exploser au milieu des passants en Israël. Naplouse s’attend maintenant aux représailles qui peuvent s’abattre sur elle.

Quoi qu’il arrive les Palestiniens ne se plaignent pas. A nous, les témoins de l’inimaginable, de dire au monde ce qu’Israël commet de crimes ici.

Silvia Cattori



[1Ils ont tué Rachel Corrie (voir : http://www.silviacattori.net/article273.html ) ;
ils ont fracassé le visage de Bryan Avery (voir : http://www.silviacattori.net/article282.html ) ;
ils ont blessé Tom Hurndall, qui est en état de mort clinique (voir : http://www.silviacattori.net/article230.html ).


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