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Hébron : une ville livrée aux voleurs israéliens

Après avoir visité Ramallah et la petite bourgade de Bethléem - des lieux qui paraissent, en comparaison avec Hébron encore à peu près respirables - ma révolte ne fait que grandir.

octobre 2002 | - : Israël Palestine


Hébron : colons israéliens malmenant une Palestinienne sous l’oeil impassible des soldats

Hébron, enserrée dans son splendide paysage collinaire, empreinte de solitude, saigne de partout. A cause de la présence angoissante de quelques centaines de colons juifs (venus de France, des Etats-Unis, de Pologne, etc), étrangement accoutrés, que l’on dirait sortis d’un autre âge. A cause aussi - les deux vont toujours de pair - de la présence de l’armée israélienne d’occupation.

Cela doit être dit et répété : où que l’on aille, les natifs du pays vous réservent un accueil chaleureux. Ils vous offrent spontanément leur aide, vous rassurent quand, face à la présence lourde et oppressante de l’armée israélienne, vous vous sentez apeuré.

On sent, on imagine, qu’Hébron était, il n’y a pas si longtemps, une ville où il faisait bon vivre mais que la venue des colons a totalement défiguré [1]. L’armée israélienne a installé des barrages à l’entrée de chaque ruelle : elle terrorise les Palestiniens nuit et jour. Nous sommes ici en Palestine. Les colons et l’armée israélienne n’ont aucune légitimité ici.

L’armée est là pour protéger les colons juifs qui se sont installés par la force dans les maisons Arabes. Ces colons font peur ; ils inscrivent sur le devant des habitations volées aux Palestiniens, des insultes racistes du genre « Mort aux Arabes ». Les colons et leur armée, frappent, humilient, tuent, enlèvent, déportent, les natifs palestiniens.

Cela conduit à ce que, en Israël, depuis 1948, on qualifie de « transfert », un mot lisse mais qui, en droit international, a un nom précis : « épuration ethnique »

Les colons ont tout détruit. Ils ont anéanti tout ce qui fait que la vie est une vie et qui vaut la peine d’être vécue. Ils ont rempli de leur leur laideur agressive l’intérieur des antiques demeures arabes qu’ils ont confisquées.
Pris comme dans un épouvantable étau, les résidents Palestiniens vous parlent des abus dont ils sont les victimes.

C’est un crève cœur que de voir le cœur de la ville, vidé de sa population, interdit à ses authentiques habitants Palestiniens ; et sa rue principale, la rue Shuhada, cadenassée, ses commerces mis sous scellés par ordre militaire.

Devant une boutique, à l’entrée du souk, un marchand pâle et fluet, la quarantaine aimable, était en train d’empaqueter de petites babioles. Curieusement, le souk - rue longée d’antiques arcades- était désert.

La seule personne qui restait, c’était donc lui. Désireux de se confier, il m’a raconté que le souk était mort, que tous les marchands avaient déjà été forcés par les soldats de quitter leur boutique, qu’il devait se dépêcher, que les soldats étaient revenus l’intimer de décamper lui aussi, qu’aujourd’hui’ hui c’était le dernier délai. Son témoignage était bouleversant. Privé de son gagne pain, il savait qu’il allait vers un avenir encore plus sombre. Il empaquetait ses affaires avec des gestes las, il parlait sans laisser percevoir ni ressentiment ni haine à l’adresse des soldats qui, depuis si longtemps, contraignaient son peuple à vivre dans la plus grande précarité.

Le souk, ce joyaux vieux de 700 ans, parfaitement conservé, gardé intact depuis le Moyen Âge, n’était-il pas le cœur et le poumon d’Hébron ?

Il m’a répondu tristement que les autres commerçants n’avaient pas eu d’autre choix que de s’en aller, avant lui. Puis il s’est tourné vers le ciel pour dire : "Regardez les soldats". J’ai levé les yeux. Seigneur ! Sur les toits en terrasse des habitations occupées par les colons, il y avait des soldats israéliens postés en position de tir.

Voilà des gens contraints de vivre sous la menace, chassés de chez eux, sans que nul ne vienne à leur aide !

Tout cela est révoltant. Les Palestiniens ne sont plus chez eux ; ils doivent s’écraser sans rien dire pendant que les soldats de l’armée israélienne les chassent hors du centre d’Hébron pour y installer à leur place des colons juifs venus de l’étranger...

Les architectes qui aiment les chefs d’œuvres urbains devraient venir voir ici pour y croire, se mobiliser pour empêcher la mise à mort d’Hébron !

Quant à ceux qu’Israël humilie, spolie et contraint à un perpétuel exode en les qualifiant de « terroristes », ils sont à l’image de ce petit commerçant doux et timide qui empaquetait tristement ses maigres restes.

Silvia Cattori



[1L’accord insensé proposé par le gouvernement de Netanyahu et signé en 1997 par l’Autorité Palestinienne divise Hébron en deux parties. D’un côté un espace arabe contrôlé par l’Autorité Palestinienne (H1) ; de l’autre un espace juif contrôlé par l’armée israélienne (H2). Dans la partie arabe vivent quelque 120 000 Palestiniens ; dans la partie juive, qui comprend la vieille ville comprenant le centre commercial, il y a plus de 500 Juifs et 30 000 Arabes. Israël a imposé des règles de séparation physique intenables entre les deux populations et a réduit la liberté de mouvement des Palestiniens dans la plus grande partie du territoire H2.