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Négociations sur le nucléaire iranien
Fabius poursuit les objectifs de l’Arabie saoudite et d’Israël

La France et sa capitale, Paris, ont toujours été une des destinations des intellectuels iraniens et des classes urbaines moyenne et supérieure, mais après ce que certains Iraniens considèrent comme un sabotage par la France des dernières négociations sur la question du nucléaire, tenues avec les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU (P5+1), un changement significatif s’est produit dans leur opinion sur les hommes politiques français.

16 novembre 2013


Shimon Pérès et Laurent Fabius

Les médias iraniens, les membres du Parlement et les citoyens ont réagi durement, certains allant même jusqu’à faire connaître leur critique de la position de la France sur la page Facebook du ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius.

Sadeq Zibaqalam, professeur à l’Université de Téhéran, a déclaré dans une interview avec l’agence officielle iranienne News Agency, que « la France veut toujours démontrer son indépendance par rapport aux États-Unis et d’autres pays européens, et l’opposition de son ministre des Affaires étrangères peut également être interprété dans ce sens. » Il a en outre expliqué : « Fabius poursuit les objectifs de l’Arabie saoudite et d’Israël ».

Selon divers rapports , il y a trois principales raisons dans l’opposition de la France : l’avenir de l’uranium enrichi par l’Iran, la construction du réacteur à eau lourde d’Arak et la poursuite du traitement de l’enrichissement par l’Iran.

L’idée que les relations financières et militaires de la France avec les pays arabes du golfe Persique ont joué un rôle majeur, était de loin l’une des opinions les plus répandues auprès des Iraniens interrogés par Al -Monitor.

« La première chose qui intéresse les Français sont leurs intérêts financiers », a déclaré Katayun, qui enseigne la musique à Shariati Street. « Les intérêts financiers de la France se trouvent du côté de certains pays arabes. Si l’Iran devait avoir des relations amicales avec l’Amérique, il deviendrait alors un concurrent sérieux pour les Arabes ».

Ali-Reza, un étudiant en histoire à l’Université Shahid Beheshti, est également mécontent de la politique de la France envers l’Iran. Il fait référence à des événements remontant à deux siècles pour exprimer son exaspération : « Cela me rappelle l’accord conclu avec Napoléon, qui se fichait de nous et a trahi tout le monde », en parlant du traité de Finckenstein, un accord de défense signé par l’Iran et la France le 4 mai 1807, que Napoléon a violé par la signature du traité de Tilsit avec la Russie qui avait des intérêts stratégiques en Iran.

En ce qui concerne la vague furieuse d’attaques lancées contre le gouvernement français (soit-disant - NdT) de gauche, un spécialiste des affaires internationales a observé : « Dans le sens traditionnel et historique, les Iraniens pensent que la Grande-Bretagne et la Russie ont joué un très grand rôle dans l’échec de la démocratie et du modernisme en Iran, mais la France n’a jamais été un pays pour lequel les Iraniens éprouvaient de mauvais sentiments. C’est comme si Fabius voulait forcer le peuple iranien à fuir la France ». Il a ajouté : « En fait, il y a deux ans , de nombreux étudiants, des journalistes et des intellectuels qui suivent les affaires internationales, avaient salué l’arrivée au pouvoir en France d’un gouvernement socialiste qui serait susceptible de s’éloigner des politiques conservatrices de Sarkozy. Mais cette tendance à sympathiser avec [l’actuel président François] Hollande a quelque peu changé avec leur position sur la Syrie et leur fort rapprochement avec Israël, et chacun se demande : Quelle genre de gauche est-ce là ? »

Beaucoup d’Iraniens ont exprimé sur les médias sociaux leur mécontentement face à la France, affichant des messages à la fois humoristiques et sérieux. Un internaute a écrit : « Vraiment, la queue du coq apparait [sous les plumes du poulet voleur]. » Il faisait allusion au symbole du coq en France au proverbe iranien à propos de quelqu’un qui finit par révéler ses véritables intentions. Il a poursuivi : « Nous sommes écrasés par les sanctions. Maintenant que le gouvernement Rouhani [le président Hassan], après avoir subi mille épreuves, a persuadé [le guide suprême l’ayatollah Ali] Khamenei de montrer un peu de souplesse, France saute à pieds joints au milieu et détruit les négociations ».

Tout le monde n’a cependant pas blâmé la France. D’autre Iraniens consultés considèrent que quelques-unes des réactions les plus sévères sont un moyen d’éviter de se poser tout un éventail de questions. Un expert en affaires européennes a déclaré à Al -Monitor : « Le mouvement social en Iran en général profitera de toutes les occasions pour montrer sa force. Le fait est que nous sommes très superficiels si nous considérons tous que la France a été l’obstacle qui empêche un accord d’être atteint. Cela reviendrait à ignorer les différences réelles qui existent encore entre l’Iran et l’Amérique sur l’accord nucléaire. Mais en apparence , la France sera la première critiquée ».

Certains font référence aux récentes déclarations du secrétaire d’État américain John Kerry à Abu Dhabi, où il a déclaré que le P5+1 est unie alors que certains réagissaient de façon excessive à la position française. Malgré tout, certains responsables iraniens sont déterminés à présenter la France comme la principale responsable de l’échec.

Fathollah Hoseini, secrétaire du Comité parlementaire de la politique étrangère et de la sécurité nationale, a déclaré à l’Agence de nouvelles Fars le 12 novembre que Fabius avait parlé des intérêts des pays arabes du golfe Persique et du « régime sioniste » , alors que ceux-ci sont contraires à l’intérêt national de la France et de l ’« identité française ».

Ismail Kosari , un autre représentant bien connu des Principalistes dans la commission parlementaire, a déclaré que l’état ​​des relations entre Téhéran et Paris sera examiné une fois qu’ils auront parlé des négociations avec le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif. Il a affirmé que les Français ne devraient pas « imaginer que nous avons besoin d’eux. »

Le quotidien réformateur Etemad a publié un article en première page le 12 novembre, critiquant fortement la France pour sa politique « peu diplomatique » et son virage vers l’Arabie saoudite, écrivant : « Les Français doivent savoir que leur appui ou leur opposition n’est pas très importante. A cet égard, c’est l’Amérique qui décide, et si les Américains sont d’accord, les Français n’auront d’autre choix que de les suivre et ils seront les perdants sur le plan international ».

Un journaliste qui parlait sous couvert d’anonymat a déclaré à Al-Monitor que la colère iranienne à l’égard de la France n’était pas simplement à propos de l’absence d’un accord sur le nucléaire et sur la suppression de certaines sanctions, mais également parce qu’un accord représenterait une opportunité pour de meilleures relations avec le reste du monde.

Il a expliqué : « En Iran , il y a peu de sujets sur lesquels les Principalistes et les militants pour la démocratie sont d’accord, et l’opposition à la position adoptée par les Français est un de ces rares sujets. » Il a poursuivi : « Le point subtil est que, même s’il est vrai que le mouvement social iranien a attaqué France ces trois derniers jours, son objectif principal était de démontrer combien ils se réjouiraient d’un accord entre le gouvernement iranien et l’Occident, et combien ils ont soif de cela, quitte à exagérer les divergences de la France avec les autres pays. »

Al-Monitor , 14 novembre 2013.