écrits politiques

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Par Gabi Weber
Le chien de garde de l’université de Freiburg

Il y a 6 mois, l’université de Freiburg a été défaite par Café Palestine* quand 5 juges du tribunal administratif de Freiburg ont rejeté les raisons avancées par l’université pour refuser d’accueillir un de ses intervenants. Il est temps maintenant de se pencher un peu plus sur ce cas sans précédent et combien riche d’enseignement.

Au centre de tout cela se trouve le Dr Heinrich Schwendemann, un historien de l’université de Freiburg et fondateur d’un des nombreux sites allemands dédiés à la mémoire de l’holocauste Shoa.de.

Il y a un an, Café Palestine a invité le Dr Schwendemann avec le Professeur Norton Mezvinsky, le célèbre historien juif américain, à l’université de Freiburg dans un panel où figurait aussi Gilad Atzmon, saxophoniste et auteur de “The Wandering Who – A Study of Jewish Identity Politics” (Celui qui erre - une étude des politiques identitaires juives). Ce livre controversé a été soutenu par les universitaires et intellectuels les plus importants de notre époque** lors de sa parution en Allemagne en juin 2012.

Le Dr. Schwendemann a accepté l’invitation avec enthousiasme, mais, 3 jours avant la conférence, il a changé d’avis en disant qu’il avait lu le livre d’Atzmon et qu’il lui était impossible de partager un panel avec quelqu’un qui "relativisait l’holocauste". La conférence a eu lieu sans le Dr. Schwendemann***.

En juillet 2012, Café Palestine a voulu organiser une autre conférence à l’université de Freiburg avec le professeur français Christophe Oberlin de Paris. Elle avait pour titre " La chirurgie esthétique à Gaza" et son but était d’attirer l’attention de la communauté médicale locale, des supporters de la Palestine et des humanistes. Mais Café Palestine a vite appris que l’université avait décidé d’annuler leur réservation. Comme il trouvait ça bizarre, Café Palestine a étudié de près cette annulation et après avoir reçu une lettre de l’université précisant ses motifs, a décidé de porter l’affaire devant le Tribunal Administratif.

Il est vite devenu clair que l’université avait été assez stupide pour se laisser guider par le Dr Schwendemann, au point d’accepter qu’il fasse partie de son équipe légale. Schwendemann s’est donc présenté devant le Tribunal Administratif à la table de la défense en compagnie de l’avocat de l’université et d’un représentant de l’université.

Quand ce fut à l’université de présenter sa défense, c’est à l’expertise de Schwendemann qu’elle a eu recours. Malheureusement les arguments offerts par Schwendemann étaient tellement hors sujet que c’en était embarrassant. Selon Schwendemann, le crime du Café Palestine de Freiburg avait été d’inviter Gilad Atzmon à parler et d’avoir traduit ses interventions sans commentaires, ce qui, selon Schwendemann, signifiait que Café Palestine était absolument d’accord avec tout ce que disait Atzmon et soutenait sans restrictions ses positions politiques.

En fait Café Palestine n’est pas entièrement d’accord avec Gilad Atzmon, ni d’ailleurs avec aucun des intervenants des conférences qu’il organise, mais il dit considérer que les postions d’Atzmon, tout comme celles de tous les autres intervenants, méritent l’attention du public, la discussion et la critique. Il a ajouté qu’il pensait que l’université de Freiburg était le lieu idéal pour ces discussions comme l’avait prouvé le débat animé qu’avait suscité le panel Mezvinsky-Atzmon.

Bien que les arguments présentés contre Atzmon par Schwendemann et l’université aient été si ridicules et hors sujet que le Tribunal les a totalement rejetés, il n’en demeure pas moins tout à fait instructif de les examiner car ils permettent de mieux comprendre les puissants mécanismes destructeurs qui minent nos libertés et nos droits les plus précieux.

L’avocat de l’université a dit que "selon le Dr Schwendemann" le livre d’Atzmon "contient l’arsenal antisémite complet y compris la Relativisation de l’Holocauste" mais il a été incapable de préciser ce qui faisait d’Atzmon un "relativiste".

Puis il a dit que "dans (le livre d’Atzmon) les Juifs sont rendus responsables de tous les maux", ce qui a révélé de manière fort embarrassante que Schwendemann et l’avocat de l’université soit n’avaient pas lu le livre, soit n’y avaient rien compris, ce qui est encore plus inquiétant. Le livre d’Atzmon est, comme son titre l’indique, ’une étude des politiques identitaires juives’. Il se réfère à l’idéologie (politiques identitaires juives) et non aux personnes (les Juifs) -un point sur lequel Atzmon insiste à de nombreuses reprises dans le livre.

Atzmon a peut-être raison, il a peut-être tort mais ses idées méritent l’attention et la discussion et l’université de Freiburg est sûrement le meilleur endroit pour se faire.

Schwendemann a déclaré que "Atzmon dit lui-même qu’il mène une guerre personnelles contre le Sionisme et les politiques identitaires juives". Mais ni l’historien ni l’université n’ont pu expliquer en quoi c’était mal de critiquer une position politique - ou doit-on comprendre que toute critique politique sera désormais interdite à l’université de Freiburg ?

Cela n’a pas pris une heure au Tribunal pour comprendre que l’université de Freiburg avait tort et pour statuer que son comportement était illégal. La victoire de Café Palestine Freiburg et de la justice est historique. Depuis, l’université a promis à Café Palestine que toute demande de salle serait traitée avec impartialité. Une conférence avec le Professeur Oberlin de Paris est programme en octobre.

Alors voilà les deux questions qu’il faut se poser :

1. Pourquoi un historien allemand, au lieu de saisir l’occasion de débattre ouvertement avec Atzmon à l’invitation de Café Palestine Freiburg en juillet 2012, a préféré agir en sous-main pour tenter d’empêcher ’l’accusé’ de présenter sa propre défendre ?

2. Est-ce le rôle d’un Allemand de l’université de Freiburg de dicter à un intellectuel né Israélien qui a servi dans l’armée israélienne pendant la première guerre du Liban, ce qu’il doit penser de sa propre société et de ses idéologies, de son propre passé, sa propre culture et l’avenir ? N’est-ce pas suffisant que les "Schwendemann" de notre époque disent aux Allemands ce qu’ils doivent penser ?

Et une dernière question... Comment est-il possible qu’une université allemande honorablement connue, qui a inscrit en lettres d’or sur son fronton "La vérité vous rendra libre" se laisse dicter sa conduite par quelqu’un comme le Dr Heinrich Schwendemann – un homme qui fait preuve d’un tel manque d’intégrité et de si peu d’intelligence ?

Gabi Weber
Dissident Voice, 26 juin 2013

Notes :

* http://othersite.org/press-release-...
** http://www.gilad.co.uk/the-wandering-who
*** Intervention de Gilad Atzmon : http://othersite.org/gilad-atzmon-u...
Intervention du Professeur Mezvinsky : http://othersite.org/gilad-atzmon-a...

Traduction : Info-Palestine.eu - Dominique Muselet (29.06.2013) :
http://www.info-palestine.net/spip.php?article13698

Article original en anglais (26.06.2013) :
http://dissidentvoice.org/2013/06/t...